Grizzly and the Duck of Death

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Exile on Friedrichstrasse: Sans être réellement passéiste ni revivaliste, Grizzly and the Duck of Death utilise un langage qui génère encore quelques belles enluminures
Ah, l'exil ! Partir en laissant tout ou presque derrière soi. Pouvoir reconstruire sa vie en faisant table rase d`un passé peut-être trop encombrant, s`offrir de nouvelles expériences dans un nouveau cadre désiré ou alors forcé. Ce sentiment d`abandon, voire d`aliénation doit être une source d`inspiration importante pour tout artiste qui se respecte. Alors, quand la destination s`appelle Berlin la sulfureuse, ville magnétique et matrice ayant inspiré certains musiciens reconnus fondamentaux ces dernières décennies (Lou Reed, David Bowie, Nick Cave et bien d`autres) et qui continue à exercer son attrait, on peut raisonnablement jeter une oreille sur le dernier ep de Grizzly and the Duck of Death.
Trio au nom  énigmatique, Grizzly (pour simplifier) comprend deux Berlinois de souche ayant gravité autour de la scène punk underground de Berlin-Ouest dans les années 1980 (avant la chute du mur, donc) qui forment la section rythmique tandis que le guitariste et auteur compositeur Philippe Dupong a grandi au Luxembourg durant les années 1990 avant de s`envoler vers d`autres cieux. Ce dernier ep, intitulé AT 4 am 6 song ep, est leur troisième réalisation et est distribuée par le microlabel berlinois Frogtapes. Cette structure, qui ne propose que des CD-R, compte un autre Luxembourgeois dans ses rangs en la personne de Patrick Müller, qui fut, longtemps, batteur de Torpid et qui a enregistré chaque plaque de Grizzly en donnant à leur son une patine rêche et directe qui sied très bien à leur pop noisy et lofi.
Autour d`influences US underground des années 1990 (on pense souvent à Sebadoh, Pavement, Dinosaur Jr, mais aussi aux Wipers par l`attaque quasi garage sur certains morceaux) en ce qui concerne les progressions mélodiques et les arrangements, les six morceaux proposés sont autant des vignettes qui commentent le côté tragique de la vie de tous les jours, mais sans jamais sans prendre vraiment au sérieux. Il faut dire que le chant distancié et neutre de Dupong, rappelant souvent les déclamations à la Lou Reed, voire Steven Malkmus de Pavement, contraste très fort par rapport au jeu très passionné et brinquebalant des autres instruments, qui n`hésitent pas de-ci de-là à ajouter quelques disharmonies qui donne un charme très slacker à l`ensemble. C`est d`ailleurs là que réside la principale force du combo, dans le jeu des contrastes. Malgré un timbre parfois monocorde, Dupong arrive à le faire varier pouvant être hautain comme sur The target, the trick ou sur AT 4 am, menaçant et ironique sur Target. 
Sans être réellement passéiste ni revivaliste, Grizzly and the Duck of Death utilise un langage qui a fait certes ses preuves mais qui génère encore quelques belles enluminures. En y greffant son particularisme, le trio arrive à sortir son épingle du jeu et nous offre là un ep plaisant, court et cohérent, qui évite les longueurs et autres inutilités qu`auraient pu apparaître sur un support plus long.

(David André, d'Letzebuerger Land 22/2/08)

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